La proposition de fédéralisme formulée par Olivier Kamitatu, bras droit de Moïse Katumbi, a suscité une vive réaction du gouvernement congolais. À l’heure où la République démocratique du Congo lutte pour préserver son unité face aux menaces sécuritaires, Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, a dénoncé une initiative “indécente” et “malveillante”. Selon lui, évoquer la refonte institutionnelle et le partage de la souveraineté territoriale, sous prétexte de dynamiser les provinces, revient à attiser des tensions dangereuses et à fragiliser la cohésion nationale. Dans un contexte marqué par le souvenir douloureux des sécessions du passé, toute tentative de remettre en cause le caractère unitaire de l’État est perçue comme une provocation politique inacceptable. Le gouvernement martèle sa ligne : l’heure est au renforcement de l’État existant, non à son éclatement.
L’évocation du fédéralisme par Olivier Kamitatu, directeur de cabinet de l’opposant Moïse Katumbi, dans un plaidoyer pour une reconfiguration institutionnelle du pays estimant que “le centralisme étouffe les initiatives locales et freine le développement harmonieux des provinces, est un discours qui, pour le gouvernement, s’apparente à une provocation.
Prenant la mesure de ce sujet hautement sensible dans un pays dont l’unité reste une question politique cardinale, Patrick Muyaya, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, n’a pas mâché ses mots, au cours d’un briefing spécial, lundi 14 avril. “C’est indécent d’introduire un sujet sur le fédéralisme dans le contexte actuel”, a-t-il asséné, en réponse aux déclarations d’Olivier Kamitatu qui, quelques jours plus tôt, appelait à “réfléchir sereinement à une réforme en profondeur de l’État” incluant, selon lui, “des éléments de fédéralisme”.
Pour Muyaya, cette proposition ne saurait être tolérée : ” la question du fédéralisme est “malveillante dans un contexte où très peu ont eu le courage de condamner la situation sécuritaire actuelle ou d’exprimer leur solidarité envers les compatriotes qui en souffrent”.
Ainsi pour le ministre Porte-parole du gouvernement, à l’heure où la consolidation de la démocratie est une priorité sans compter de lourds combats menés pour la stabilité nationale, poser la question du fédéralisme revient à jeter de l’huile sur le feu.
Le spectre d’une division
En RDC, le mot “fédéralisme” reste chargé d’histoire et d’émotions. Héritée des conflits post-indépendance, notamment de la sécession katangaise des années 1960, l’idée d’un État fédéral est souvent associée aux risques de balkanisation, une crainte récurrente au sein de la classe politique congolaise. Dans ses propos, Patrick Muyaya a invoqué cette mémoire collective : “Nous avons vu ce que la division a coûté à notre peuple. Nous ne saurions répéter les erreurs du passé.”
Selon Olivier Kamitatu, “le centralisme étouffe les initiatives locales et freine le développement harmonieux des provinces.” L’ancien allié de Jean-Pierre Bemba, puis de Joseph Kabila et finalement de Môise Katumbi, estime qu’un débat ouvert sur l’organisation territoriale pourrait offrir aux Congolais “les outils d’une gouvernance plus proche des citoyens.”
Une manœuvre politique ?
Au-delà du fond, les observateurs s’interrogent sur le timing de cette sortie. Alors que les tensions sécuritaires persistent dans l’Est du pays, certains y voient une tentative de Kamitatu de repositionner un courant politique ne faveur de ceux qui s’en tiennent à balkaniser le Congo.
Patrick Muyaya, fidèle au ton offensif qu’il adopte depuis plusieurs semaines, a en tout cas réaffirmé la ligne du gouvernement : “La RDC est une et indivisible. Ceux qui rêvent de la morceler trouveront toujours sur leur chemin la volonté inébranlable du peuple congolais.”
Prenant la parole à son tour, le vice-Premier ministre et ministre de l’Économie nationale, Daniel Mukoko Samba, a insisté sur la nécessité de restaurer d’abord l’intégrité territoriale avant d’envisager une réforme de la forme de l’État. S’appuyant sur les défis monétaires rencontrés par le passé, notamment dans la région du Kasaï, il a rappelé que l’histoire de la République démocratique du Congo démontre la résilience de son unité nationale. À ses yeux, plutôt que d’ouvrir un débat jugé prématuré sur le fédéralisme, il conviendrait de renforcer les institutions existantes, notamment en faisant pleinement fonctionner la Caisse nationale de péréquation, chargée d’assurer une meilleure redistribution des ressources.
Le gouvernement, déterminé à préserver l’unité nationale, n’entend pas donner la voie à des démons passés.
Pour rappel, le directeur de cabinet de l’opposant Moïse Katumbi a détaillé dans une tribune publiée vendredi, sa proposition pour la création d’une République Fédérale du Congo. Ancien président du Parlement de Transition et acteur clé dans l’élaboration de la Constitution actuelle, Olivier Kamitatu a souligné que la structure de gouvernance centralisée de la République Démocratique du Congo (RDC) n’a pas permis de répondre aux défis auxquels le pays est confronté, notamment la gestion des ressources naturelles, la pauvreté et les conflits armés.
Dans sa proposition, Kamitatu plaide pour un système fédéral structuré autour de cinq grandes régions : l’Orientale, l’Équateur, le Kongo, le Kasaï et le Katanga. Ces régions seraient autonomes, disposant chacune d’un gouvernement local élu avec des pouvoirs constitutionnels clairs, incluant la gestion de leurs propres ressources naturelles et la mise en œuvre de politiques adaptées à leurs réalités économiques, sociales et culturelles.
Il estime que ce redécoupage, inspiré des anciennes provinces coloniales et post-indépendance, pourrait offrir une gouvernance plus proche des citoyens, réduire les inégalités et mieux gérer la diversité culturelle du pays.
L’objectif principal de cette réforme serait de “répondre aux besoins spécifiques de chaque région”. Kamitatu met en avant la nécessité de valoriser les atouts économiques de chaque région, comme le Katanga, riche en minéraux, l’Orientale, carrefour commercial stratégique, le Kongo, avec son potentiel portuaire, l’Équateur, à forte vocation agricole, et le Kasaï, reconnu pour sa richesse en diamants et ses potentialités agricoles.
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