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17 mai, 2025 - 15:51:02
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[Tribune] Le Fédéralisme, ou l’ombre d’une trahison nationale : réflexion sur l’unité congolaise en temps de guerre

Alors que la République Démocratique du Congo fait face à une guerre d’agression aux contours désormais clairs, que le Rwanda, sous couvert du M23, occupe des portions entières de notre territoire, que les ambitions de balkanisation se déploient à ciel ouvert, certaines voix, d’un ailleurs proche et pourtant si lointain, proposent le fédéralisme comme la solution à nos problèmes de gouvernance et de développement.

Mais cette proposition, sous ses apparences quelque peu techniques, soulève une question fondamentale : à qui profite réellement le fédéralisme dans un pays encore meurtri, attaqué, plongé dans une instabilité ? Le fédéralisme est un système dans lequel les provinces disposent d’une large autonomie, avec leurs propres institutions – parfois même leur propre Constitution.

Dans des États stables et cohérents, ce modèle présente un potentiel de réussite. Mais dans un pays comme le nôtre, marqué par une histoire douloureuse de divisions, de sécessions, de conflits ethniques et d’invasions étrangères, le fédéralisme peut devenir une machine à désintégrer la Nation. Et ce danger, Patrice Emery Lumumba l’avait perçu dès les premières heures de l’indépendance.

Pour lui, le fédéralisme n’était rien d’autre qu’une stratégie néocoloniale, un déguisement du tribalisme politique, un piège tendu à l’unité nationale. Il dénonçait avec force les manœuvres qui visaient à morceler le Congo en petits États dépendants, manipulables, à la solde d’intérêts étrangers. Lumumba croyait en un Congo uni, fort, indivisible – et il est mort pour cette vision. Aujourd’hui encore, ses craintes se confirment.

Dans un contexte où des pans entiers des provinces dans l’Est de notre pays sont occupés par des forces étrangères, où certains territoires sont contrôlés par des supplétifs armés financés et encadrés de l’extérieur, où les ardeurs de l’ethnocentrisme se veulent un mécanisme trivial de légitimation politique, adopter un fédéralisme mal encadré serait comme offrir à nos ennemis les clés de la maison commune. Ce modèle ouvrirait la voie à plusieurs dérives :

– La balkanisation : certaines provinces, riches en ressources, pourraient être « poussées » à « voler de leurs propres ailes », affaiblissant ainsi l’unité nationale.

– L’annexion à un pays étranger : des travaux parlementaires ainsi que la rhétorique de l’exécutif rwandais, Paul Kagame en premier, revendiquent ouvertement l’appartenance au Rwanda de certains territoires de la République Démocratique du Congo.

– La montée des tensions ethniques : un fédéralisme basé sur des entités dominées par une ethnie majoritaire pourrait marginaliser les minorités locales et provoquer de nouveaux conflits.

– Des inégalités accentuées : les provinces les mieux dotées pourraient accélérer leur développement, tandis que les autres s’enfonceraient dans la pauvreté et la dépendance.

– L’affaiblissement du pouvoir central : dans un pays déjà confronté à l’insécurité, à la corruption et à l’ingérence, un État affaibli ne serait plus en mesure de garantir la souveraineté nationale.

La Constitution de 2006, pourtant, avait déjà offert une voie équilibrée : celle d’un État unitaire fortement décentralisé. Elle a prévu 26 provinces, dotées de compétences propres. Mais dans la pratique, cette décentralisation reste incomplète, étouffée par l’inapplication de certaines dispositions qui pourtant  l’incarneraient le mieux, comme la retenue à la source d’un pourcentage sur les revenues à caractère national, les limites de l’interventionnisme du pouvoir central dans les compétences exclusives des provinces, etc.

Alors pourquoi vouloir brûler les étapes ? Pourquoi agiter l’idée d’un fédéralisme extrême alors même que nous ne parvenons pas à faire fonctionner la décentralisation actuelle ?

La réponse est peut-être à chercher du côté de certains agendas cachés. Car le fédéralisme, dans le contexte actuel, sert trop bien les ambitions de ceux qui veulent un Congo affaibli, divisé, vulnérable. Ceux qui exploitent nos minerais tout en finançant les armes qui tuent nos enfants. Ceux qui avancent sous couvert de « gouvernance » mais œuvrent pour l’implosion planifiée de notre pays.

Ce n’est pas d’un fédéralisme que la RDC a besoin, mais d’un État fort, juste, capable de protéger, d’unir et de servir les Congolaises et Congolais. Un État présent sur chaque colline, dans chaque village, dans chaque province. Un État qui agit selon des principes de justice et d’équité.

Face au projet de saucissonnement de notre pays, il ne peut y avoir de demi-mesure. Chaque Congolais doit comprendre que l’unité n’est pas un luxe, mais une condition de survie. Comme le poursuit la campagne « Congolais Telema » : il est temps de se lever, de résister, de défendre ce que nous avons de plus précieux, à savoir notre souveraineté, et dans cette optique soutenir les institutions légales et légitimes de la République, résolument impliquées dans la restauration de la paix et la sauvegarde de l’’intégrité territoriale.

Fait à Lubumbashi, le 18 avril 2025

Maître Prince Lukeka

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