C’était une ligne que personne n’osait franchir. Celle qui fait passer un ancien chef de l’État du statut d’intouchable à celui de justiciable. Le 30 avril 2025, la République démocratique du Congo a ouvert une brèche dans son propre récit politique : Joseph Kabila, président de 2001 à 2019, sénateur à vie, est officiellement visé par une procédure de levée d’immunité. En cause, des accusations lourdes : trahison, crimes de guerre, participation à un mouvement insurrectionnel. Ce que le ministre de la Justice, Constant Mutamba, qualifie de « preuves irréfutables » marque un tournant. Un acte de souveraineté. Et un signal.
Il fallait sans doute que cela arrive. À force de confondre le silence avec l’immunité, et la retraite avec l’impunité, Joseph Kabila aura fini par se croire au-dessus de la République qu’il a dirigée pendant dix-huit ans. Or, les faits sont têtus. Depuis plusieurs mois, l’ancien président a multiplié les prises de parole ambiguës, affirmant que les revendications de l’AFC/M23 – pourtant reconnu comme bras armé du Rwanda par l’ONU – étaient légitimes. Pire : les autorités le soupçonnent d’en être le cofondateur. Voilà un homme qui, après avoir quitté le pays dans la clandestinité en 2023, projette aujourd’hui de revenir « par l’Est », comme s’il voulait forcer l’Histoire à plier.
Mais la République, cette fois, ne plie pas. Elle se redresse. En enclenchant cette procédure inédite, elle rompt avec une époque où l’on pensait qu’elle devait craindre ses anciens chefs. Désormais, ce sont les hommes, quels qu’ils soient, qui doivent rendre des comptes devant la loi. L’enjeu dépasse le cas Kabila : il s’agit de dire que personne, pas même un ex-président, ne peut se faire l’allié d’une rébellion sans en répondre devant la nation.
Si procès il y a, il ne sera pas celui d’un homme seulement. Il sera celui d’un système, d’un aveuglement, d’une impunité longtemps tolérée. Le temps des tabous est passé. Place à la vérité judiciaire. Enfin.
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