Le 20 mai 2025, la République démocratique du Congo a changé de cap. En condamnant l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo à dix années de travaux forcés pour détournement de fonds publics, la Cour constitutionnelle a posé un acte inédit, magistral, qui restera comme une borne dans la construction de l’État de droit. Pour la première fois, un haut dirigeant est reconnu coupable de faits commis dans l’exercice même du pouvoir exécutif. Ce n’est pas seulement un homme qui tombe, c’est une doctrine de l’impunité qui vacille.
Dans un pays trop longtemps ligoté par les non-dits, les arrangements politiques et les immunités de fait, ce jugement sonne comme une leçon de droit — une leçon sévère, rigoureuse, fondée. Deux infractions d’ampleur ont été retenues : le détournement de 156 millions de dollars avec un partenaire étranger, et celui de 89 millions imputé personnellement à l’ancien chef du gouvernement. À ces montants vertigineux répond une sanction sans équivoque : dix ans de servitude pénale principale, assortie de mesures d’exclusion civique et professionnelle, de confiscations et d’interdictions fermes.
Mais plus encore que le contenu du jugement, c’est le processus qui mérite d’être salué. La Cour constitutionnelle, présidée par Dieudonné Kamuleta, a tenu bon. Face aux pressions, aux tentatives de politisation, aux campagnes de victimisation orchestrées dans l’opinion, elle est restée droite dans sa mission. Elle a dit le droit, rien que le droit, sans trembler. En cela, elle a rappelé que la justice n’est ni une chambre d’enregistrement, ni un théâtre d’influence, mais un pilier de la République.
Cette décision ouvre une ère nouvelle. Elle signifie que le sommet de l’État n’est plus un refuge, que les responsabilités politiques ne sauraient exonérer des fautes pénales. Elle rappelle qu’il existe en RDC une institution capable d’agir sans crainte ni faveur, au nom du peuple et des principes.
Ce jugement est bien plus qu’une sanction : c’est un précédent. Il balise un chemin. Il avertit les gouvernants présents et futurs que le pouvoir ne protège plus de tout. Et surtout, il restaure un peu de cette confiance citoyenne sans laquelle aucune démocratie ne peut tenir debout.
La justice congolaise vient, à sa manière, de faire œuvre d’histoire.