Le député national Steve Mbikayi a lancé un appel solennel à l’ex-président Joseph Kabila, en réponse aux rumeurs et suspicions croissantes concernant son implication présumée avec le Rwanda et le M23, responsables de crimes graves dans l’Est de la RDC. Dans sa lettre ouverte, Mbikayi soulève plusieurs préoccupations majeures : d’abord, le long séjour à l’étranger de Kabila, souvent perçu comme un exil volontaire, puis son intention supposée de revenir par Goma, sous occupation rwandaise et de ses supplétifs de l’AFC/M23. Le député met en lumière les prises de position ambiguës de l’ex-président, qui, selon lui, laissent entrevoir une bienveillance envers le M23, nourrissant ainsi des interrogations sur son rôle véritable. Mbikayi interroge également la pertinence pour un ancien chef d’État, tel que Kabila, de se laisser entraîner dans une dynamique de rébellion, plutôt que de jouer un rôle de sage. Il plaide pour que l’ex-président prenne conscience de l’impact moral et politique de telles alliances, et l’incite à adopter une posture de paix pour préserver son honneur et la République.
Officiellement installé depuis un an en Afrique du Sud pour travailler sur une thèse consacrée aux relations entre la Chine et la RDC, Joseph Kabila semble avoir relégué au second plan l’exécution de ce projet académique. Reste que son retour annoncé en RDC, à un moment où le climat politique est particulièrement tendu à Kinshasa, soulève plusieurs questions, notamment celle de ses intentions. Joseph Kabila pourrait-il, par exemple, faire éventuellement cause commune avec l’AFC/M23 de Corneille Nangaa, qui tente de consolider ses positions dans le conflit qui l’oppose à l’armée congolaise dans l’est du pays ?
Interrogé sur ce point, l’entourage de l’ancien chef de l’État, cité par RFI, n’exclut pas cette hypothèse ». Et pour des observateurs avertis, le retour annoncé de l’ancien président Joseph Kabila Kabange en République démocratique du Congo, précisément par la partie orientale du pays, ne doit rien au hasard dans cette région, aujourd’hui sous occupation rwandaise par l’entremise de ses patins de l’AFC/M23.
Dans un contexte où les masques tombent et où les alliances se révèlent au grand jour, le timing de cette réapparition publique s’inscrit dans une manœuvre politique d’une précision calculée. Il s’agit là du véritable propriétaire de l’AFC/M23 qui s’apprête à jouer ouvertement son rôle. Et ce retour soigneusement chorégraphié vise à donner corps à l’illusion d’une insurrection congolaise née de l’intérieur, alors qu’elle n’est, en réalité, que l’énième avatar d’une stratégie d’agression et de déstabilisation pilotée depuis Kigali. Dans cette mise en scène où rien n’est laissé au hasard, l’heure n’est plus à l’innocence, et ceux qui ont pactisé avec l’oppresseur avancent désormais à visage découvert, ou presque. Ce qui rappelle une phrase : « l’AFC, c’est lui ».
Lettre ouverte à Joseph Kabila Kabange
Excellence,
L’honneur d’un ancien Chef d’ État ne réside pas dans l’ombre des collines de l’Est, mais dans la lumière du rôle de sage.
Je prends la plume avec un profond sentiment de gravité et d’inquiétude, mêlé d’un devoir moral que m’impose ma qualité d’homme d’État, mais surtout de citoyen qui aime ardemment ce pays que vous avez eu à diriger pendant près de deux décennies. Des rumeurs persistantes, des silences lourds, des signes troublants !
Votre long séjour à l’étranger, assimilé par beaucoup à un exil volontaire, votre intention supposée de rentrer par l’Est, plus précisément par Goma, région ravagée par la guerre, et vos récentes prises de position qui laissent entrevoir une certaine accointance et bienveillance envers le M23, ont fini par installer un malaise dans les esprits. Certains vont jusqu’à suggérer que vous seriez, dans l’ombre, le véritable maître de ce mouvement rebelle.
Je vous écris, non pour accuser, mais pour alerter. Non pour juger, mais pour conseiller. Non pour polémiquer, mais pour espérer encore.
Excellence,
Peut-il être profitable, pour un ancien PR de porter la veste d’un chef rebelle, fût-ce en silence ou par procuration ? Peut-on avoir incarné l’État et, un jour, prendre le risque de le trahir ? L’histoire de ce monde est sévère avec ceux qui se sont laissé emporter par les passions tristes : la rancune, la vengeance, l’amertume.
Le monde n’a presque jamais connu de chef d’État revenu vers sa patrie par les armes, sans y laisser son honneur et parfois son destin. On évoquera peut-être Charles Taylor, l’ancien président libérien devenu chef de milice, mais il a fini ses jours politiques devant le tribunal spécial pour la Sierra Leone. Il inspire la tristesse et l’embarras. Un exemple de ce qu’il ne faut pas faire.
En Afrique comme ailleurs, la tradition consacre plutôt une autre figure: Celle de l’ancien président transformé en sage. On pense à Olusegun Obasanjo , médiateur de paix en Afrique de l’ Ouest, à Joaquim Chissano au Mozambique, devenu homme de dialogue, ou encore à Thabo Mbeki , artisan discret de la résolution de conflits au Soudan et ailleurs.
Ces hommes ont compris que la grandeur ne se conquiert pas seulement au pouvoir, mais dans l’attitude qu’on adopte une fois celui-ci quitté.
Votre rang de sénateur à vie vous place au-dessus du tumulte. Vous n’avez ni été poussé à l’exil, ni poursuivi, ni réduit au silence. Pourquoi alors, choisir le chemin des montagnes et des collines de l’Est, fief d’une rébellion honnie par le peuple congolais ? Pourquoi descendre dans l’arène sombre des règlements de compte, quand vous pouvez être cette voix de sagesse que le Congo attend ?
Je ne crois pas que l’ancien président que vous êtes veuille finir comme un aventurier de l’ombre. Je veux croire que vous avez encore à cœur l’intérêt supérieur de la République. Et si, d’aventure, la douleur ou la frustration vous anime, je vous supplie de la transformer en hauteur morale. Ce que vous ne pouvez plus obtenir dans les urnes, vous ne l’obtiendrez jamais dans les forêts de Rutshuru. Et ce que vous pourriez perdre dans une aventure hasardeuse, c’est le capital moral que des années de pouvoir vous ont donné.
Je vous conjure de renoncer à toute tentation de la rébellion. Le Congo a besoin de paix. Il a besoin d’hommes de sagesse. Il a besoin d’un Kabila nouveau, élevé au-dessus des querelles, dépositaire d’une parole rare et précieuse. Devenez ce patriarche respecté que l’Afrique pourra consulter. Offrez à votre nom le destin d’un bâtisseur de paix, et non celui d’un stratège de l’ombre.
L’Histoire vous regarde. Elle vous attend. Elle espère encore vous accueillir par la grande porte.
Le Congo vous observe, l’Afrique vous interpelle, et l’histoire attend votre choix. Méditez.
Avec tout le respect dû à votre rang, et tout l’amour que je porte à la République,
Hon. Steve Mbikayi