Dans un monde saturé de conflits oubliés, l’annonce d’un accord de paix « imminent » entre la RDC et le Rwanda, saluée avec emphase par Donald Trump, a de quoi surprendre. Car si Washington s’improvise médiateur dans une crise aussi ancienne que complexe, les cicatrices du Kivu ne se referment pas sur commande. À l’Est du Congo, où le silence de la communauté internationale a souvent fait le lit des tragédies, les mots du président américain résonnent comme un pari géopolitique autant que comme un calcul électoral. Le projet d’accord remis aux États-Unis pourrait certes dessiner les contours d’un règlement, mais il en dit encore trop peu sur les responsabilités de Kigali, le sort du M23 ou la souveraineté effective de Kinshasa. Dans la poudrière des Grands Lacs, où les paix signées masquent parfois la continuation de la guerre par d’autres moyens, l’enthousiasme affiché à Washington exige plus que jamais scepticisme et vigilance.
Alors que la crise sécuritaire dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) continue de mobiliser les efforts diplomatiques régionaux et internationaux, le président américain Donald Trump a affirmé, mardi 6 mai, qu’un accord de paix entre Kinshasa et Kigali était sur le point d’être conclu. Une déclaration inattendue, formulée lors d’un échange avec des journalistes à Washington, au cours duquel le dirigeant républicain a revendiqué le rôle central des États-Unis dans la médiation en cours.
« Je m’occupe du Rwanda et du Congo, qui sont en conflit, et nous essayons de régler ce problème. Et je pense que nous y sommes parvenus », a-t-il déclaré, évoquant « un excellent travail » mené par son administration. « Ils semblent sur le point de conclure un accord de paix, ce qui serait une bonne chose », a poursuivi le président américain, sans toutefois entrer dans les détails du contenu de l’accord.
Cette sortie intervient quelques jours après une étape jugée décisive dans les négociations engagées sous l’égide des États-Unis. Le 26 avril, les ministres des Affaires étrangères congolais et rwandais – Thérèse Kayikwamba Wagner pour la RDC et Olivier Nduhungirehe pour le Rwanda – s’étaient réunis à Washington et avaient convenu de remettre un avant-projet commun d’accord de paix avant le 2 mai. L’échéance a été respectée, selon Massad Boulos, conseiller principal de Donald Trump pour l’Afrique au Département d’État, qui a salué sur le réseau X (ex-Twitter) « une étape importante vers le respect des engagements pris dans la Déclaration de principes ».
Signée lors de cette même rencontre, la Déclaration de Washington constitue désormais le socle d’un processus de paix structuré, combinant les efforts précédemment menés à Nairobi, Luanda et Doha. Elle prévoit notamment des engagements bilatéraux sur la souveraineté et l’intégrité territoriale, le désarmement des groupes armés, la réinstallation des populations déplacées et la coopération régionale en matière de sécurité et de développement économique. Le texte en cours de rédaction comprendrait également une clause de soutien renforcé à la MONUSCO, la mission des Nations unies en RDC, dont le départ progressif reste programmé.
Un sommet à la Maison-Blanche en perspective
Interrogé mardi soir par la Rwanda Broadcasting Agency (RBA), le ministre rwandais des affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a confirmé que des discussions de haut niveau étaient attendues dans les prochaines semaines : « Nous allons rencontrer nos homologues congolais et américains vers la troisième semaine de mai pour finaliser ce projet d’accord », a-t-il indiqué. Des experts des deux parties auront, au préalable, poursuivi les ajustements techniques du texte.
- Nduhungirehe a aussi fait part de l’espoir de voir cet accord formellement signé à la mi-juin, à Washington. Il a évoqué la perspective d’une cérémonie à la Maison-Blanche en présence des présidents Paul Kagame, Félix Tshisekedi et Donald Trump, mais également de plusieurs acteurs clefs du dossier : l’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, très engagé dans les négociations depuis Doha ; le président kényan William Ruto ; ainsi que Faure Gnassingbé, président du Togo et récemment désigné médiateur de l’Union africaine pour la crise dans les Grands Lacs.
Une prudente réserve à Kinshasa
À Kinshasa, les autorités n’ont pas réagi dans l’immédiat aux déclarations du président américain. Mais selon plusieurs sources proches du ministère des Affaires étrangères congolais, la prudence reste de mise. « Il y a encore des points sensibles à régler, notamment sur les responsabilités dans l’insécurité persistante dans le Nord-Kivu et sur le désarmement du M23 », confie un diplomate congolais, qui évoque aussi la question du retrait des troupes rwandaises présentes de facto en territoire congolais.
Le mouvement M23, soutenu selon l’ONU par Kigali, reste l’un des principaux points d’achoppement. Kinshasa exige son démantèlement total, tandis que le Rwanda plaide pour une intégration « encadrée » de ses combattants dans le processus politique congolais, à l’instar de ce qui avait été tenté après les accords de 2009. Le retour des déplacés, la restitution des territoires occupés et la levée des embargos économiques tacites figurent également parmi les sujets délicats.
En attendant d’éventuelles avancées concrètes, la diplomatie américaine s’active pour préserver un climat favorable à la négociation. Washington reste l’un des rares médiateurs capables de parler à toutes les parties, tout en disposant de leviers économiques et militaires dans la région. Le président Trump semble en tout cas désireux de s’attribuer un succès diplomatique d’envergure sur un continent souvent relégué au second plan par la politique étrangère américaine.
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