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17 mai, 2025 - 16:09:13
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La page Alingete se tourne, IGF : maintenir la rigueur sous la tempête, le défi de Bitasimwa et Tshibingu

Dans un climat de vigilance accrue sur la gestion des deniers publics, le président congolais Félix Tshisekedi a nommé mercredi 6 mai, par ordonnance présidentielle, une nouvelle équipe dirigeante à la tête de l’Inspection générale des finances (IGF). M. Bitasimwa Bahi Christophe a été désigné Inspecteur général des finances, en remplacement de Jules Alingete Key, tandis que M. Tshibingu Nsenga Emmanuel occupe désormais le poste d’Inspecteur adjoint. Cette transition, intervenue dans un contexte institutionnel tendu, résonne comme un tournant décisif dans l’histoire récente de cette institution. Au cœur de nombreuses batailles contre la corruption et les détournements, l’IGF apparaît aujourd’hui comme un acteur central de la gouvernance en République démocratique du Congo (RDC), alors que les pressions politiques ne faiblissent pas.

Jules Alingete, inspecteur des finances depuis 1988, aura profondément marqué son passage à la tête de l’IGF depuis sa nomination en 2020. De son propre aveu, il a œuvré à sortir l’institution « du gouffre pour la placer sous le soleil ». En trois ans, son mandat a été jalonné de dossiers retentissants qui ont contribué à redéfinir la perception du contrôle des finances publiques.

Dès ses premiers mois, Alingete s’illustre avec la révélation d’un scandale portant sur des cartes bancaires liées directement au compte général du Trésor, détenues par d’anciens dignitaires du régime Kabila. La désactivation de ces instruments de paiement, ordonnée en mai 2021, est saluée comme un acte de rupture avec des pratiques anciennes de prédation.

Il s’attire ensuite l’attention médiatique et politique avec l’affaire du Parc agro-industriel de Bukanga Lonzo, qualifié de « fiasco d’État » : près de 287 millions de dollars américains se seraient volatilisés dans un projet censé transformer l’agriculture congolaise. L’IGF publie un rapport accablant en mai 2022, déclenchant une procédure judiciaire toujours en cours.

Plus récemment, l’inspection générale avait mis à nu les irrégularités dans plusieurs contrats publics, notamment celui des cartes d’identité biométriques estimé à 700 millions de dollars, ou encore celui relatif à l’éclairage urbain par lampadaires. Dans chacun de ces cas, les accusations de surfacturation et de détournements nourrissent l’image d’un État à réformer.

S’il a reçu des éloges sur la scène internationale pour la mise en œuvre de la « patrouille financière » – un mécanisme inédit de contrôle a priori et concomitant –, Jules Alingete a aussi été critiqué, accusé par certains de s’être montré sélectif dans ses enquêtes, voire de s’inscrire dans une logique d’instrumentalisation politique. Son bras de fer avec l’ex-ministre des Finances Nicolas Kazadi avait fini par exposer publiquement les tensions internes au sommet de l’État.

Une passation sous haute surveillance

La nomination de Bitasimwa Bahi Christophe et de son adjoint Tshibingu Nsenga Emmanuel intervient dans ce climat de polarisation. Officiellement, il s’agit d’assurer la continuité du contrôle des finances publiques. Officieusement, certains analystes s’interrogent sur la volonté du pouvoir de rééquilibrer, voire de recentrer l’action de l’IGF, alors que les enjeux budgétaires s’intensifient.

Le nouveau duo hérite d’un établissement aux compétences élargies, à la visibilité renforcée, mais dont l’indépendance reste sujette à caution. En dépit des avancées de ces dernières années, les tentations d’influence politique persistent. Pour nombre d’observateurs, la priorité sera de démontrer que l’IGF demeure un outil de redevabilité, non une arme entre les mains du pouvoir.

Des attentes immenses

Les défis sont donc de taille pour la nouvelle équipe dirigeante. Il s’agira d’abord de maintenir, voire de consolider, les acquis en matière de transparence budgétaire. Le renforcement des contrôles sur les marchés publics, la traçabilité des flux financiers et l’évaluation de l’impact des grands projets d’infrastructure sont autant de chantiers attendus.

En parallèle, les pressions politiques pourraient mettre à l’épreuve la marge de manœuvre de la nouvelle équipe. Le cas emblématique du contrat sino-congolais, revisité sous la pression de l’IGF pour une réévaluation à hauteur de 7 milliards USD, a montré les lignes de faille qui persistent entre impératifs de souveraineté économique et influences étrangères.

Enfin, dans un pays où les scandales de corruption ont durablement entamé la confiance des citoyens envers l’État, la crédibilité de l’IGF repose désormais autant sur sa capacité technique que sur sa posture éthique.

Infos27

 

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