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16 mai, 2025 - 14:15:22
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Kabila, l’heure des comptes : le Sénat enclenche la procédure, la décision sur son immunité attendue dans les 72 heures

C’est une première qui, en République démocratique du Congo, pourrait faire date : pour la première fois depuis l’indépendance, un ancien président de la République est en passe d’être rattrapé par la justice de son propre pays. La procédure enclenchée contre Joseph Kabila Kabange, sénateur à vie, pour des faits d’une gravité exceptionnelle – participation à un mouvement insurrectionnel, trahison, crimes de guerre et crimes contre l’humanité – a franchi un cap décisif jeudi 15 mai au Sénat. À huis clos, la chambre haute a ouvert l’examen des réquisitoires de la haute cour militaire et constitué, dans le strict respect de la Constitution, une commission spéciale chargée d’évaluer la recevabilité des poursuites. Dans les prochaines heures, la question de la levée de son immunité parlementaire pourrait sceller l’irréversibilité d’un processus historique. Loin d’un séisme institutionnel, cette avancée judiciaire témoigne d’une exigence démocratique essentielle : celle qui veut que nul, pas même un ancien chef de l’État, ne soit au-dessus des lois.

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Un cap décisif vient d’être franchi dans la procédure judiciaire visant l’ancien président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila Kabange. Jeudi 15 mai, le Sénat, réuni en plénière au Palais du peuple, a entamé l’examen des réquisitoires émis par la haute cour militaire aux fins d’autorisation de poursuites contre le sénateur à vie. Accusé de participation à un mouvement insurrectionnel, de trahison, ainsi que de participation à des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, Joseph Kabila pourrait voir son immunité parlementaire levée dans les jours à venir. Une commission spéciale a été constituée pour statuer sur la recevabilité des demandes dans un délai de 72 heures. L’affaire est désormais enclenchée et semble irréversible

Un processus encadré par la Constitution

Les sénateurs ont été saisis en vertu de l’article 107 alinéa 2 de la Constitution congolaise qui stipule qu’aucun parlementaire ne peut être poursuivi ou arrêté pendant la session parlementaire sans l’autorisation de la chambre à laquelle il appartient. Ce principe a été respecté à la lettre. Les deux réquisitoires émis par la haute cour militaire ont été soumis à la plénière, conformément aux articles 224 et 56 du Règlement intérieur du Sénat, qui encadrent les modalités d’examen des poursuites contre un sénateur.

Après lecture des réquisitoires et des dispositions juridiques y afférentes par la rapporteure du bureau, le président du Sénat, Jean-Michel Sama Lukonde, a décrété un huis clos. À l’issue de cette session fermée, une commission spéciale a été désignée pour examiner la requête judiciaire. La procédure suit donc son cours normal, sous l’œil attentif d’un pays suspendu à l’issue d’un moment sans précédent dans son histoire politique.

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Des charges extrêmement graves

Le contenu des réquisitoires transmis au Sénat ne laisse guère de place à l’équivoque. Joseph Kabila est accusé par la haute cour militaire d’avoir assumé les communications du M23, groupe rebelle actif dans l’Est du pays, en lien avec le Rwanda, ce qui constituerait une « participation à un mouvement insurrectionnel » au regard des articles 136 et 137 du Code pénal militaire. L’ancien président est également soupçonné de « trahison », pour avoir entretenu des relations suivies avec une puissance étrangère – en l’occurrence le Rwanda – et ses agents, afin d’entreprendre des hostilités contre la RDC, faits punis par l’article 182 du Code pénal.

À cela s’ajoutent des accusations de « participation à des crimes de guerre et crimes contre l’humanité », en vertu des articles 21 bis et 223 de la loi n°15/022 du 31 décembre 2015. Des faits d’une gravité extrême, relevant non plus de la cour de cassation – compétente pour les parlementaires selon l’article 153 de la Constitution – mais de la haute cour militaire, étant donné la nature militaire des infractions alléguées, comme le précise l’article 120 b du Code de justice militaire.

Un sénateur, non un ancien président

Il importe de noter que la procédure engagée ne vise pas l’ancien président de la République en tant que tel, mais le sénateur à vie, statut conféré à Joseph Kabila à l’issue de ses deux mandats à la tête du pays. En effet, si l’article 109 de la loi portant statut des anciens chefs d’État élus accorde certains privilèges, il ne garantit pas une immunité pénale absolue, a fortiori en cas d’infractions de cette nature. En tant que membre du Sénat, Joseph Kabila demeure soumis aux règles de droit commun applicables aux parlementaires, y compris la possibilité de poursuites avec autorisation préalable de la chambre haute.

Un précédent lourd de sens

La perspective de voir un ancien chef d’État poursuivi en justice pourrait paraître inédite dans le paysage politique congolais. Elle ne constitue pourtant ni une singularité, ni une rupture avec l’ordre démocratique. En France, l’ancien président Jacques Chirac avait été condamné en 2011 pour détournements de fonds publics. Nicolas Sarkozy, également ancien président, a été rattrapé par plusieurs affaires judiciaires. En Afrique, les exemples de poursuites contre d’anciens chefs d’État ne manquent pas : Hissène Habré au Sénégal, Blaise Compaoré au Burkina Faso, ou encore Laurent Gbagbo, acquitté après un procès à la Cour pénale internationale.

Loin d’être un affaiblissement des institutions, la procédure en cours contre Joseph Kabila est plutôt la démonstration d’un État de droit en construction, dans lequel nul, pas même un ancien président, ne saurait se soustraire à la justice. Un principe fondamental : tous les Congolais sont égaux devant la loi.

Une démocratie mise à l’épreuve

Si les tensions politiques sont palpables et les clivages profonds, l’évolution de cette affaire pourrait représenter un tournant dans l’histoire démocratique de la RDC. La poursuite de Joseph Kabila ne constitue ni une vengeance politique, ni un effondrement du système démocratique. Elle illustre, au contraire, l’avancée d’un État qui se dote des moyens de juger ses dirigeants, quels qu’ils soient, à la lumière des lois qu’eux-mêmes ont contribué à faire voter.

La commission spéciale du Sénat, désignée conformément à l’article 56 du Règlement intérieur, a jusqu’à dimanche 18 mai pour remettre ses conclusions. Si la levée d’immunité est actée par la plénière, Joseph Kabila pourrait devenir le premier ancien chef de l’État congolais à répondre, devant un tribunal, d’actes commis après sa fonction présidentielle.

Un moment historique, dont l’issue marquera profondément les rapports entre justice et pouvoir en RDC.

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