Dans un pays où l’urgence sécuritaire tend souvent à reléguer le développement au second plan, la Première ministre congolaise Judith Suminwa a choisi, face aux agences onusiennes réunies à Kinshasa, d’affirmer une vision politique plus équilibrée. Exhortant à une coopération rationnalisée, ciblée et solidaire, elle entend rompre avec le saupoudrage des aides pour poser les bases d’un partenariat plus efficace, au service d’un pays morcelé par la guerre mais résolu à construire son avenir.
Réunis dans le cadre de leur retraite annuelle à Kinshasa, les chefs d’agences du Système des Nations unies (SNU) ont accueilli, jeudi 8 mai, la Première ministre de la République démocratique du Congo, Judith Suminwa Tuluka. À cette occasion, la cheffe du gouvernement a présenté les orientations stratégiques de l’exécutif congolais, insistant sur l’importance d’un partenariat plus cohérent et ciblé, dans un contexte marqué par la persistance du conflit armé dans l’Est du pays.
« Il s’agit de voir, par rapport au contexte actuel avec la guerre dans l’Est, comment cette intervention va se faire », a résumé la Première ministre, soulignant la nécessité d’une action conjointe entre les Nations unies et les institutions congolaises.
Entre urgence sécuritaire et impératif de développement
Si la situation sécuritaire dans les provinces orientales reste une priorité « évidente », selon Mme Suminwa, elle ne doit pas occulter les autres urgences nationales. La cheffe du gouvernement plaide pour une approche équilibrée, tenant compte de la diversité des réalités du territoire : « La guerre ne touche pas l’ensemble du pays. Il faut aussi investir dans les infrastructures socioéconomiques de base, le développement agricole, la transformation locale et la diversification de notre économie », a-t-elle indiqué devant les représentants onusiens.
Ce message s’inscrit dans une volonté d’asseoir les fondations d’un développement durable, malgré la crise sécuritaire persistante. La Première ministre a ainsi rappelé que la lutte contre la pauvreté, la protection des droits humains et la consolidation de la résilience communautaire ne sauraient être reléguées au second plan.
Un cadre de coopération à consolider
Le Coordonnateur résident du SNU, Bruno Lemarquis, s’est félicité de la présence de la Première ministre à cette retraite, y voyant un signe de l’engagement du gouvernement pour une collaboration renforcée. « La RDC est un État membre des Nations unies. C’est la famille. On est là à la disposition du pays pour qu’il avance dans sa trajectoire de développement », a-t-il affirmé, rappelant la signature récente du nouveau cadre de coopération pour la période 2024-2028, aligné sur le Programme national stratégique de développement (PNSD).
Mais les défis restent nombreux. M.
Lemarquis a exprimé son inquiétude face à la réduction des financements internationaux, qualifiant certaines suspensions de « brutales et dramatiques », avec des répercussions directes sur les capacités humanitaires et les projets de développement.
« Éviter le saupoudrage »
Ce constat est partagé par la Première ministre, qui appelle les partenaires techniques et financiers à rationaliser leurs interventions. Dans un contexte de contraction budgétaire mondiale, la priorité, selon elle, doit aller aux populations les plus vulnérables. « Il faut faire mieux, de manière plus efficace, tout en gardant à l’esprit la nécessité d’appuyer le développement du pays et de protéger les communautés », a-t-elle martelé.
Judith Suminwa a aussi souligné l’importance de la concertation, estimant que de tels échanges devraient devenir réguliers afin de garantir une coordination optimale entre les différents acteurs du développement. « Quand on se met ensemble, on peut mieux avancer », a-t-elle conclu.
Une volonté politique affirmée
Première femme à la tête du gouvernement congolais, Mme Suminwa entend inscrire son action dans la continuité des priorités nationales, tout en imprimant sa marque sur la méthode. Le dialogue direct avec les partenaires internationaux et le recentrage sur les résultats concrets marquent une volonté d’efficacité dans l’allocation des ressources.
Pour les Nations unies, la rencontre de Kinshasa revêt aussi une portée symbolique : elle traduit la reconnaissance de leur rôle dans l’accompagnement du pays, au-delà de l’urgence sécuritaire. Mais elle pose également les jalons d’une coopération revue à l’aune des capacités réelles et des attentes d’un gouvernement qui souhaite conjuguer urgence et développement.
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